Une aquarelle d’Ettore Cadorin

Nous savions bien que la Ca’ Dario ne tomberait pas dans l’oubli pendant bien longtemps et qu’elle saurait se rappeler à nous d’une façon inattendue. ..

C’est sous la forme d’une aquarelle (rare d’après le vendeur) d’Ettore Cadorin qu’elle s’est rappelée à notre bon souvenir en cette période de fêtes propice à se faire un cadeau… donc, dans la hotte du Père Noël, nous avons trouvé…

Nous l’avons trouvée totalement par hasard, proposée à la vente par un antiquaire, un peu marchand d’art et beaucoup autrichien…

Bref, nous étions en présence d’une œuvre véritable d’un maître vénitien peu connu, et surtout, Klod a immédiatement reconnu la Ca’ Dario, le palais maudit sur lequel nous avons déjà tant écrit.

Les détails sont saisissants, et on ne peut penser aux descriptions de la vie vénitienne à cette époque décrites par Henri de Régnier.

Nous voilà donc désormais propriétaires de la Ca’ Dario… au moins en peinture, ce qui nous semble plus raisonnable !

Ca’ Dario – photos nostalgiques du palais maudit

C’est la dernière fois que nous écrivons sur le palais Dario dans le cadre de cette série qui aura duré un an et demi pour vous montrer un palais dont la réputation est sulfureuse, et qui, de tout temps à suscité un vif intérêt.

Certes, il y aurait encore des choses à vous raconter sur cette « vielle dame qui penche comme une putain »… ce n’est donc qu’un congé temporaire avec la Ca’ Dario que nous retrouverons probablement, dans quelques mois.

Nous espérons que vous avez trouvé de l’intérêt pour ce vieux palais, encore en travaux à ce jour, qui devrait retrouver, prochainement, une nouvelle jeunesse. Nous espérons alors avoir la chance d’y retourner, spécialement pour vous.

Avant de quitter, donc, le palais pour quelques temps, nous vous offrons quelques photos inédites. Juste de quoi vous donner envie que nous en reparlions bientôt !

Nous ne vous avions jamais montré la porte d’entrée, cette qui donne sur le jardin. Monumental portail de bois délicieusement sculpté, et difficile à prendre en photo en raison du manque de recul.

Sur un mur du jardin, deux patères sont incrustées. L’une d’elles représente une délicieuse jeune femme aux seins dénudés. L’autre patère représente un guerrier en armure.

Au milieu du parapet de la terrasse, recouvert de faïence fleurie, on a incrusté une sculpture du XVIème siècle transformée en fontaine (la troisième de la maison).

Depuis la fenêtre centrale du salon mauresque qui donne sur l’arrière du jardin, on peut entrevoir et surtout entendre les deux fontaines du jardin. Elle font donc un écho à la fontaine mauresque qui  est dans l’alcôve du salon, en une délicieuse symphonie apaisante.

Avant de quitter le palais Dario, ne manquons pas à la tradition russe qui consiste à s’asseoir un instant, juste avant le départ. Entre autres choses, c’est pour affirmer le souhait de revenir bientôt. Cet antique banc de pierre dans le hall d’entrée est donc là bien à propos…

… à bientôt !

La fontaine du palazzo Dario

Dans le jardin protégé par de hauts murs, la fontaine brisait, autrefois, le silence de son murmure au milieu d’une végétation dense et odorante. elle a inspiré à Henri de Régnier ces paroles :

La fontana del giardino di palazzo Dario fu proprio di rumore lieve dei suoi zampilli nel verde e silente giardino chiuso da alte mura, ad ispirare ad Henri de Régnier le parole :

The foutain in the garden of palazzo Dario was the gentle tinkling of its waters in the green, silent garden enclosed by high walls that inspired the words of Henri de Régnier :

« une fontaine coule dans une cuve de marbre, et son bruit surcharge et semble faire déborder le silence auquel il s’ajoute, goutte à goutte« .

Et si la Ca’ Dario avait été un palais « complet »…

Le palazzo Dario, tel que nous le connaissons et tel qu’il a été représenté au fil des siècles, semble avoir toujours été un palazzo « tronqué », sans aucune symétrie… mais, en a-il toujours été ainsi ?

Nos longues recherches dans les archives et les bibliothèques nous ont permis de retrouver de troublants documents.

En effet, il était coutume, à ces époques troublées, de prévoir la construction, très onéreuse des palais vénitiens, en plusieurs étapes, en fonction des rentrées d’argent et des opportunités cadastrales. Par exemple, le palazzo Zorzi est un très beau modèle de « réemploi » d’une construction existante au préalable, quand à la Ca’ Rezzonico, il ne fut réellement terminé qu’au XVIIème, après la construction d’un ultime étage sur le Grand Canal.

On peut donc penser que l’extension du palais aurait dû être le résultat du mariage entre Vicenzo Barbaro et Marietta Dario. Nous vous avons déjà expliqué qu’il en fut autrement, et raconté les histoires liées à ce mariage. Toutefois, dès l’entrée dans le sottoportego, des signes nous montrent que, ce que nous avons découvert, était bel et bien prévu.

Voici donc comment vous auriez dû connaître le palazzo Dario si les hommes et l’Histoire en avaient décidé autrement :

Sur ce plan de la façade, on comprends alors la réelle symétrie du palais, tel qu’il avait été élaboré par son concepteur. Et dans l’analyse ci-dessous, on voit que les bases du nombre d’or étaient parfaitement respectées dans l’élaboration de ce projet, conformément à l’architecture grecque en vogue à l’époque.

Ca’ Dario vue par John Ruskin

John Ruskin évoque pour la première fois la casa Dario, à propos de ces marbres magnifiquement colorés, dans Works (III – 215) puis à propos des ornementations circulaires (VIII – 153) et enfin, des décorations du mur (IX – 33) qu’il agrémente de l’aquarelle ci-dessus.

Dans les Pierres de Venise, il parle à nouveau du palais Dario, pages 151 et 152 de l’édition complète.

Fontana dates it from about the year 1450 and considers it the earliest specimen of the architecture founded by Pietro Lombardo, and followed by his sons Tullio and Antonio. In a Sanuto autograph miscellany, purchased by me a long time ago and which I gave to St. Mark’s library, are two letters from Giovanni Dario, dated 10th and 11th July, 1485, in the neighbourhood of Adrianople ; where the Turkish camp found itself and where Bajazet II received presents from the Soldan of Egypt, from the Schah of the Indies (query Grand Mogul), and from the King of Hungary: of these matters Dario’s letters give many curious details. Then, in the printed Malipiero Annuals, page 136 (which err, I think, by a year), the Secretary Dario’s negotiations at the Porte are alluded to; and in date of 1484 he is said to have returned to Venice, having quarreled with the Venetian bailiff at Constantinople ; the annalist adds that ‘Giovanni Dario was a native of Candia, and that the Republic was so well satisfied with him for having concluded the peace with Bajazet, that he received, as a gift from his country, an estate at Noventa, in the Paduan territory, worth 10,000 ducats for the dowers of one of his daughters.’ These largesses probably enabled him to build his home about the year 1486, and are doubtless hinted at in the inscription, which I restored A. D. 1837; it had no date and ran thus: URBIS. GENIO. JOHANNES. DARIVS. In the Venetian history of Paolo Morosini, page 594, it is also mentioned, that Giovanni Dario was, moreover, the Secretary who concluded the peace between Mahomet, the conqueror of Constantinople, and Venice, A. D. 1478, but, unless he built the house by proxy, that date has nothing to do with it ; and in my mind, the fact of the present, and the inscription, warrant one’s dating it at 1486 and not 1450. SV III App.4

Cette description du palais et de sa construction ont, vous l’avez remarqué, été repris par toutes celles et ceux qui ont, un jour, voulu écrire sur le palais et manquaient d’imagination, ou d’informations.

Curieusement, alors que dans ses dessins il s’est longuement attardé sur les éléments décoratifs architecturaux, dans ces textes, il les commente peu, contrairement à son habitude. Plus tard, Marcel Proust visitera le palais, avec le livre de Ruskin sous le bras…

… mais cela est une autre histoire.

Peggy et la Ca’ Dario

Depuis 2005, la Ca’Dario est la propriété d’Elisabetta Gardini Ferruzzi.

Elle a conclu un accord avec la Fondation Peggy Guggenheim qui pourra utiliser le palais pour des expositions. Sans avoir à racheter la palais, la Fondation Guggenheim voisine a trouvé ainsi un lieu pour des expositions temporaires ou des spectacles.

En attendant l’ouverture au public le palais est en complète restauration. Actuellement, on repose les parements de marbres polychromes sur la façade, signe que les travaux ont considérablement avancé. L’ouverture au public, et les nouvelles expositions sont donc à espérer pour les prochains mois.

En retour, le nom de la famille Gardini sera associée aux spectacles et expositions qui seront présentés dans le nouvel emplacement. Cette expansion vient compléter le projet d’agrandissement de la Fondation Guggenheim. Elle est, en effet, devenue une nécessité vu l’augmentation continue du nombre de visiteurs.

Ca’ Dario, a jewel of Venetian Renaissance architecture, will be the « second » home of the Guggenheim Collection whose historic original location is the nearby palazzo Ca’ Venier dei Leoni, where exhibitions by the American foundation currently take place. An agreement was reached between the Guggenheim Foundation and the present owner Elisabetta Gardini Ferruzzi who has had the palazzo up for sale for some time. The Guggenheim will not actually buy the palazzo. Instead, it will have a franchise on it at very favourable terms. In return, the name of the Gardini family will be associated with any shows that are held in the new location. This acquisition completes the Guggenheim’s expansion project, which became a necessity due to the continuous increase in the number of visitors. »

Ca’ Dario may be a haunted palazzo. According to numerous guides and guidebooks, Ca’ Dario’s owners frequently meet untimely deaths. It started in the 15rh century when the builder’s daughter died. The deaths continued to modern times: in 1993, Raoul Gardini, owner of famous racing sailboat « Moro di Venezia, » committed suicide. Then the manager of « The Who » bought the place – and soon committed suicide. Legend also says that Woody Allen wanted to buy Ca’ Dario, but backed out of the deal when he learned the palazzo’s history.

Les fumées bleues de la Ca’ Dario

Kit Lambert (Christopher Sebastian Lambert),  fils du compositeur classique Constant Lambert, se suicide dans le palais de Ca’Dario à Venise le 7 avril 1981.

En 1981, Kit Lambert était un producteur de musique connu surtout pour être le manager du groupe de rock britannique « The Who. » Il a été la force motrice de leur opéra rock « Tommy » (1968), qu’il a également produit. Il était né le 11 mai 1935.

Excentrique notoire, Lambert a rompu ses relations professionnelles avec l’OMS en 1974 et a passé ses dernières années de sa vie, en grande partie dans un état de stupeur provoquée par les drogues, dans son palais de Venise. Lambert se plaignait qu’il ne pouvait pas faire face aux fantômes des précédentes victimes de la malédiction de la Ca’ Dario.
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Selon les biographies, on retrouve diverses versions de sa mort :
Il mourut d’une hémorragie cérébrale après une chute dans l’escalier de la maison de sa mère à Londres.
Il a été tué après avoir quitté le palais, suite à une altercation avec un dealer.
Il s’est suicidé dans le palais Dario.

Il n’y a pas que les vapeurs des stupéfiants ou les fantômes du palazzo Dario pour égarer les esprits !

Reprenons donc l’histoire depuis… le début.

Quand il achète le palais Dario en 1972, Kit Lambert, le manager des Who, dans son délire aux amphétamines, veut en faire une sorte de Graceland vénitien.

Faciné par la Reine des Eaux, comme si elle était une cité des Mille et une nuits dont il serait le vizir, il amène au palais une bande de dingues, déjantés par l’alcool et les drogues. Dans Venise, lorsqu’ils sortent, ils forment un clan pour le moins épique, moitié bande de gitans psychédéliques, moitiés guérilleros de l’acide.

Lorsque la nuit tombe, il organise des soirées dignes des grands lupanars. Les invités arrivent par la porte d’eau, dans des canots à moteur étincelants, d’autres, discrètement, par la porte du campo Barbaro, celle qui donne sur le jardin. Il y a des filles nues à tous les étages, des banquiers, des hommes d’affaires, des politiques et même le représentant à Venise de l’OMS dont Kit Lambert est l’un des plus importants donateurs. Les soirées prennent vite des allures de fin du monde, comme un paysage urbain après un raid américain lors de la seconde guerre mondiale.

Bien sûr, il connait les circonstances de la mort de son prédécesseur, et son esprit délabré fait le reste. Il se plaint que le parquet de sa chambre est incrusté de cervelle et de sang.

Keith Moon, le batteur des Who se prends au jeu. Il est d’accord pour aller passer la chambre au peigne fin à la manière d’un policier sur une scène de crime. Il monte en ricanant.

Lorsqu’il redescends, plus tard dans la soirée, il titube, le yeux hagards en agitant les mains devant lui. Elles sont ensanglantées ! Il montre ainsi à toute l’assistance ses mains couvertes de sang, avec un ricanement surréaliste. Ainsi, Kit Lambert n’aurait pas menti ?

Le baron Lamberti, en manque, part à la recherche de drogue auprès d’un dealer local. Il connait les plus mauvais coins de Venise.

A la discothèque El Souk, la boite branchée de l’époque, près de l’Accademia, il chancelle, ivre, et a une rugueuse altercation avec un type. Personne ne se souvient des raisons de l’altercation, ce qui a surtout marqué les esprits, c’est sa violence, des chaises qui volent, une bouteille cassée.

Jeté a la rue par les videurs, il revient vers le palazzo Dario. les rues sont vides, mais il se croit suivi, menacé. Il s’imagine des espions, guettant dans l’obscurité. Il dérive dans Venise essayant de retrouver le palais.

Puis il monte dans les étages et met la musique à fond.

Le lendemain, 7 avril 1981, la musique joue toujours lorsque l’on défonce la porte de sa chambre. Kit Lambert est étendu sur le sol, mort. Une seringue est encore piquée dans son bras. Pour les enquêteurs, la dose qu’il s’est injectée n’était pas prévue pour un voyage, mais bel et bien pour tuer.

Il est inhumé au Hoop Lane Golders Green Crematorium, Golders Green, Greater London  Grande-Bretagne.

Ca’ Dario et Santa Maria dei Miracoli

Il existe à Venise deux autres édifices fameux qui présentent une façade avec un caractère analogue et une vivacité chromatique semblable à la Ca’ Dario : Le palazzo Trevisan sur le rio de la Canonica et l’église dei Miracoli.

L’église de Santa maria dei Miracoli à été construite entre 1480 et 1489. Le palais Dario, lui, à été édifié entre 1486 et 1787. Sur les deux façades on retrouve les mêmes rosaces en marbres polychromes. On retrouve également sur cette église, la « bonbonnière » de Klod, la même usage du marbre dans un revêtement de qualité sur la façade.

Ainsi que l’a noté Mc Andrews à propos du palais Dario, les meilleurs matériaux, l’habilité artistique, la décoration raffinée de la surface furent également appliquées sur l’église Santa Maria dei Miracoli et quelques-uns des magnifiques édifices représentés par Carpaccio et d’autres peintres de ce temps.

Ce jour fatidique où Raul Gardini a acheté la Ca’ Dario

 
Les légendes autour du choix de Raul Gardini sur la Ca ‘Dario comme sa résidence à Venise.

L’ombre de la malédiction qui persécute les locataires de la Ca ‘Dario, magnifique palais vénitien surplombant le Grand Canal, s’est projetée sur la mort de Raul Gardini, qui pendant quelques années avait choisi ce palais comme sa résidence permanente sur la Lagune.

Gardini, devient propriétaire du palais en 1985, après avoir réussi l’achat de la Bavaria Assicurazioni et avoir fusionné cette compagnie avec la Fondiaria.

Raul Gardini était certainement au courant de cette fâcheuse réputation de la Ca’ Dario, mais, comme beaucoup d’autres, il n’a pas pu résister au charme et à la fascination de cette batisse que Gabriel d’Annunzio décrivait comme « une vieille courtisane courbé sous le poids de ses bijoux. » (una vecchia cortigiana piegata sotto il peso dei suoi monili). Construit en 1487 sur le Grand Canal, dans un style composite entre gothique, byzantin et Renaissance, à quelques dizaines de mètres de la Basilique de la Salute, la maison a rapidement su gagner sa réputation sulfureuse*.

Plus tard, Gardini réalise de mauvaises spéculations financières, des décisions d’affaires malchanceuses qui vont l’obliger à quitter ses fonctions dans le groupe Ferruzzi-Montedison et ensuite, une fois découvert les pots de vin provenant de la vente des 40% d’Enimont, au suicide…

On le trouva mort dans sa maison de Milan, le palais Belgioioso, du XVIIIème, le 23 Juillet 1993. Lors des dernières conversations avec ses avocats dans ses dernières heures, il avait paru très secoué par la nouvelle du suicide dans la prison de San Vittore de Cagliari Gabriele (son rival dans l’affaire Enimont), mais aussi par l’information que les enquêteurs s’intéressaient désormais à lui.

L’enquête a conclu qu’il s’était tiré une (deux) balle(s) dans la tête, mais les raisons et les circonstances de la mort de l’entrepreneur laissent encore beaucoup de doutes (le pistolet a été trouvé placé sur la table de chevet, loin du corps). De plus, la scène du suicide présumé a été irrémédiablement altéré par la diligence des ambulanciers, qui ont enlevé le cadavre de Gardini ainsi que les draps et les oreillers dans la chambre avant l’arrivée de la police.

La mémoire de Raul Gardini est également liée au sport, notamment à l’America Cup à laquelle il participa a bord de son bateau Il Moro di Venezia.

* Voir toute l’histoire de la Ca’ Dario dans notre rubrique : Palazzo Dario

Ca’ Dario – Le destin terrible de Marietta

La Venise populaire se souvient dans ses chroniques du destin terrible de Marietta Dario.

On raconte qu’elle s’enferma dans l’une des pièces du palais, et qu’elle s’y laissa mourir de faim.

Que faisait donc son aimant époux, Vicenzo Barbaro, dans le même palais, au même moment ? Peut-on imaginer un mari amoureux de sa femme, laissant cette dernière se mourir de faim derrière une porte fermée ?

La formule, réduite aux commérages de la vox populi, semble donc un peu trop simpliste, voir même invraisemblable. Ce qui parait plus probable, c’est que, bien au contraire, Vincenzo Barbaro ait emmurée vivante Marietta et l’a laissé mourir de faim.

Une fois Marietta morte, il pouvait enfin assouvir le rêve de Francesco Barbaro, son père, assassiné une nuit dans son jardin, alors qu’il tentait, par des moyens plus ou moins avouable sa mainmise sur le Palais Dario. Mais, à la mort de Marietta, en 1515, il ne devint pas la tout-puissant propriétaire du palais. Marietta avait laissé un testament, dans lequel elle demandait que le palais ne soit pas mis en vente, mais qu’il soit mis à la disposition des ambassadeurs turcs et leurs délégations.

Du fond de son mur, Marietta veillait encore sur la destinée de son palais, peut-être est-ce toujours le cas ?

Ca’ Dario, l’héritage de Giovanni Dario

L’héritage, considérable vint à Marietta Barbaro, par sa mère Chiara. La Ca’ Dario devint la propriété de la famille Barbaro en 1506, après la mort de Marietta.
Giovanni Dario, le premier, puis sa fille furent enterrés dans l’Isola delle Grazie à l’intérieur de l’église gothique Santa Maria della Grazia.

L’île Santa Maria della Grazia ou della Cavana est un île artificielle de la Lagune de Venise d’environ 4 hectares de superficie, soit 0,04 km². On s’en servait au Moyen Âge comme de la déchèterie municipale de la ville de Venise. Elle se trouve entre l’île de Santo Sprito et celle de San Giorgio Maggiore, non loin de la rive sud de la Giudecca.

Vers 1400, la Congrégation de San Girolamo de Fiesole transforma l’hospice en couvent et a également construit une église. Cette dernière prit le nom d’une image de la Vierge (aujourd’hui conservée dans le musée du séminaire de la Salute) considérée comme miraculeuse : Santa Maria della Grazie (Sainte-Marie des Grâces) et la bande de terre prit le nom de La Grazia. L’histoire de l’île est une succession d’abandon et de reconstruction des ordres religieux : en 1538 les bâtiments furent incendiés mais reconstruits immédiatement, tandis qu’en 1668 l’île retourna à la République suite à la suppression de la congrégation.
En 1671, les Capucines rachètent l’île devenue déserte et reconstruisent une église dédiée à Santa Maria degli Angeli (Sainte-Marie des Anges). En cette période splendide se tenait une grande fête tous les 27 juillet, avec un fête sur la place et une procession de bateaux décorés partant le soir pour Malamocco. L’église fut décorée avec des œuvres importantes du Tintoret, Véronèse et Longhi ; elle abritait les sépultures des cardinaux Luigi Pisani et Augustin Waltz, agrémentés de statues du Bernin.

L’île fut transformée en dépôt de poudre par les les troupes de Bonaparte dès 1810, et sous l’occupation autrichienne, l’église fut détruite par une explosion en 1849.

Classe V° de 1970 à l'Hôpital Santa Maria della Grazia. La maîtresse Lucia Cararia et Don Oscar. Sur la photo Carlo Paladin, Gianna Zatta, Gianna Zatta, Rosanna, Nadia Antonello, Elisabetta Sambo, Francesco Marin, Sandra Biasion

Au début du XXe siècle, l’île se transforma en hôpital pour tuberculeux (transféré ensuite à l’île de Sacca Sessola). Depuis 2010, l’île appartient à une société de Trevise, la Giesse Investimenti S.r.l., qui appartient à Giovanna Stefanel.

Ca’ Dario, Maxime Dethomas séjourne à Venise.

Octobre 1901, Maxime Dethomas, l’ami de cœur de ce prodigieux Toulouse-Lautrec, invité par de Mme Bulteau avec qui il s’est lié d’amitié, séjourne à la Ca’ Dario.

Pendant ce séjour, il fait la connaissance d’Henry de Régnier, venu pour la seconde fois à Venise et qui tombe malade peu après son arrivée.  Du peintre, le poète dit : « C’était un aimable et cordial compagnon…« 

On peut supposer que leur relation deviendra plus intense, du point de vue artistique, puisque lorsque Henri de Régnier publie ses « Esquisses vénitiennes » en 1906, elles sont accompagnées de dix planches en taille-douce et de dessins dans le texte de Maxime Lethomas.

Maxime Dethomas (1867-1929), élève de Léon Bonnat (1833-1922), était peintre, dessinateur, illustrateur de livres et décorateur de théâtre – notamment pour l’Opéra de Paris. Grand ami de Henri de Toulouse-Lautrec, avec qui il travailla, il rapporta d’un séjour à Venise toute une série de dessins au fusain représentant les canaux et des gondoles. Le visage humain l’attire plus que le décor. Rares sont les paysages dans l’œuvre de Maxime Dethomas. Même à Venise, où Dethomas passe souvent l’hiver, ce sont les physionomies qu’il a décrites, plutôt que les palais. Il aime la Venise aux fantoches terrifiants du XVIIIe siècle, celle de Longhi, de Casanova et du président de Brosses. Et son goût d’observateur réaliste lui fait goûter la saveur de la Venise moderne, des gens du peuple, des belles filles à châles et à chignons.

A la Romaine, solidement équarrie, au front carré, qui travaille à son tricot, il oppose la Vénitienne, molle et floue qui s’abandonne, affalée, au far niente, accablée par la torpeur du sirocco ; la chialetta, coquette de sa coiffure ondulée et qui se drape largement dans les plis de son châle, ou se chauffe, l’hiver, serrant sur sa jupe son scaldino de terre.

Quelques études d’hommes, aussi, le Sacristain, l’Écrivain public, le Facchino obséquieux et fainéant, le campagnard romain tenant d’un poignet ferme son parapluie de cotonnade verte délavée.

De-ci, de-là, mais peu nombreuses, des visions de maisons italiennes, l’Albergo dell’Orso, vénérable demeure pansue, élargie par le bas, aux murs d’ocré rosée, où jadis descendait Montaigne, citoyen romain !

Les œuvres publiques de Maxime Dethomas sont rares (les Musées d’Orsay, de l’Hermitage, Pouchkine et National Galerie of Art se partagent quelques tableaux et dessins), la majorité des œuvres de l’artiste étant conservée par ses descendants.

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