L’opéra Il Bravo (1839) de Saverio Mercadante montre bien cette atmosphère trouble pesant sur le Conseil des Dix, qui reste toujours dans l’ombre, à l’inverse de I Due Foscari. Ce « bravo » est un assassin à gages, au service du Conseil, qui le « tient » par le fait que son vieux père est emprisonné… les Dix poussent la vilenie à ne pas révéler à leur bravo la mort de son père, qui l’eût ainsi libéré de leur redoutable emprise.
On voit dans quelle atmosphère se dessine l’histoire de Marino Faliero… mais qui était-il avant d’accéder à la dignité de doge ? Il était né vers 1285, mais on sait peu de choses à son sujet avant l’âge de trente ans, époque où on le trouve membre du Conseil des Dix, à peine constitué, à cause de la conjuration de Tiepolo. De noblesse ancienne et propriétaire de vastes terres, Faliero n’en était pas moins un homme d’action, hautain mais courageux, digne vainqueur du roi de Hongrie lors de la bataille de Zadar (Zara en italien) qui donna la ville dalmate aux Vénitiens pour de longs siècles. Homme violent pourtant, que cet altier Faliero, n’hésitant pas à gifler un évêque qui s’était présenté en retard à une cérémonie présidée par lui.
Il fut élu doge à près de soixante-dix ans et si l’Histoire retient son ambition comme le germe de la conspiration lancée par lui, poètes et musiciens préférèrent utiliser un élément plus romanesque. Il se trouve que lors d’une fête, à la fin de l’année 1354, un groupe de jeunes patriciens mené par Michele Steno manqua de respect à la dogaresse Alcuina Gradenico. Mais cette partie de l’histoire, nous vous l’avons déjà racontée !
L’épisode de la conjuration de Marino Faliero a été porté à la scène à plusieurs reprises :
- Marino Faliero, Doge de Venise, tragédie historique en cinq actes et douze tableaux de Lord Byron, terminée le 16 juillet 1820.
- Marino Faliero, tragédie en cinq actes et en vers de Casimir Delavigne, représentée pour la première fois au Théâtre de la Porte Saint-Martin à Paris le 30 mai 1829 et la pièce devint vite populaire. En effet, une lettre de Donizetti nous apprend comme la familiarité du public avec l’œuvre fut l’une des causes de son choix pour en faire un opéra, l’action en serait, ainsi plus intelligible, car l’opéra serait chanté en italien.
- Marino Faliero, tragédie lyrique en trois actes, musique de Gaetano Donizetti, livret d’Emanuele Bidèra, créée au Théâtre des Italiens de Paris le 12 mars 1835. Les deux textes précédents sont les sources du jeune librettiste Emanuele Bidèra, choisi par Donizetti en désespoir de cause car Felice Romani, comme à son habitude, disparaissait de la circulation au moment d’honorer ses (trop nombreux) engagements…
- Marino Faliero. A tragedy, pièce d’Algernon Swinburne publiée en 1885.