Titien dans la sacristie de La Salute

Titien appartient incontestablement à l’école vénitienne, dont il a été l’un des chefs de file au XVIème siècle.

Tiziano Vecelli dit le Titien né vers 1488 à Pieve di Cadore dans le Frioul, est venu très jeune à Venise où entra dans l’atelier de Giovanni Bellini ; puis il devint le disciple de Giorgione, avec qui il se mesurait dès 1508 dans la décoration à fresque, aujourd’hui à peu près disparue, du Fondaco dei Tedeschi. L’influence de ces deux maîtres, du second surtout, a évidemment marqué la formation de Titien.

Entre 1540 et 1548, trois grandes toiles d’environs 300 x 300 centimètres sont peintes dans son atelier pour l’église de San Spirito en Isola.

En 1656, ces tableaux ont été déplacés pour décorer le plafond de la sacristie de l’église de La Salute.

Œuvres de la pleine maturité de Titien elles ont été peintes après son retour de Rome, où il a été influencé par Michel-Ange pour les formes, l’impétuosité des mouvements, la force des couleurs. Il montre dans le même temps une sensibilité complètement autonome pour l’espace, loin de la conception du maniérisme toscano-romain.

Cain et Abel - Titien

Le tableau, Caïn et Abel, porte sur un sujet biblique : le meurtre d’Abel par son frère Caïn.

Titien relègue sur le côté, le cachant à demi, l’autel des offrandes, objet de la folie homicide de Caïn.

Il rassemble en une synthèse puissante les corps et les gestes plus que les visages presque invisibles, suggérant la violence des sentiments. Le jeu des courbes et des droites confère à Abel une attitude adoucie, alors que son frère nous parait plus rude et dur.

La scène, caractérisée par une forte tension émotive qui se dégage des corps dans des poses nettement en perspective, représente une des phases du conflit intérieur. La nuit est définie par une interaction complexe de lumières et de reflets qui donnent un ton dramatique à la composition.

Le Sacrifice d'Isaac - Titien

Le Sacrifice d’Abraham l’artiste illustre ce dramatique passage de l’Ancien Testament (Genèse 22-6) où l’enfant est admirablement colorié, vivant et chaud.

Dieu teste la confiance accordée à Abraham en lui demandant de sacrifier son propre fils. En acceptant, Abraham renoue avec la promesse qui le lie à son Dieu et fait valoir à son égard une confiance illimitée. Dieu n’ordonne pas de sacrifier, mais de monter. « Monte-le en montée » (Gn 22.2). C’est Abraham qui comprend « immoler » car il n’a pas encore compris qu’il doit renoncer à être un père possessif et accorder sa liberté à Isaac.

On retrouve l’âne, le bois fendu et le bélier « retenu dans un buisson par les cornes » qui remplacera Isaac pour l’holocauste…

David et Goliath - Titien

David vainqueur de Goliath illustre un autre crime perpétré dans l’Ancien Testament (Samuel 17, 1-58) dans lequel le roi David, encore adolescent, armé d’une fronde et d’un bâton, abat le héros des Philistins, le géant Goliath, un soldat professionnel, taillé comme un géant  et puissamment armé.

David, qui ressemble à un enfant à côté du géant est figé dans une étrange attitude de prière, influencée peut-être par les « Antiquité judaïques » de Flavius Josephe publiées en 1540 à Venise en latin et en italien.

Le goût pour la représentation d’une scène de lutte, d’un corps à corps transparaît dans les choix faits par le Titien pour les plafonds de l’église San Spiritoà Isola. Son David et Goliath fait pendant à  Caïn et Abel ;  les deux figurations de corps violemment tourmentés dans une veine fortement maniériste sont en échos  plastiques tels qu’il est courant de les confondre.

Et pourtant l’éclaircie du ciel dans le David est signe du divin surnaturel alors que les sombres masses nuageuses ferment le ciel du combat fratricide.

Début septembre 2010, ces tableaux ont été endommagés lors d’un incendie qui s’était déclaré à proximité de l’église. L’eau utilisée par les pompiers s’était infiltrée dans la sacristie et après avoir ruisselé quelques heures avait endommagée les trois toiles, causant quelques dégâts au David vainqueur de Goliath. Tout a été restauré depuis.

 

3 Commentaires (+ vous participez ?)

  1. RANLIAL
    Nov 26, 2014 @ 07:42:17

    Magnifiques .

  2. M. Vaudenay
    Nov 26, 2014 @ 10:36:36

    Titien, quand même l’un des meilleurs à Venise (je préfère Tintoret). Merci pour ces trois tableaux pleins de forces.

  3. Claudio
    Déc 05, 2014 @ 07:50:37

    C’est très beau, mais ces peintures ne suscitent en moi aucune émotion… Nous ne sommes pas tous sensibles aux mêmes choses… Je préfère de beaucoup les « Vedute » qui me parlent et qui m’émeuvent…

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