Santa Maria della Salute par John Singer Sargent

Le peintre américain John Singer Sargent a fait de nombreux séjours à Venise. En 1903, il connaît donc très bien Venise et semble désireux de passer outre l’aspect totalement documentaire, pour ne pas dire touristique, de son sujet !

Pour décrire l’église de Santa Maria della Salute, il tronque en effet toutes les parties supérieure et latérale de l’une des églises les plus célèbres de la Sérénissime pour s’attacher à la représentation d’une partie de la façade, en s’inspirant du cadrage subjectif de la photographie. Aujourd’hui, on parlerait de « plan serré ». Ce faisant, il rend le monument méconnaissable…

Contrairement à de nombreux peintres précédents, depuis les célèbres Vedute de Canaletto et de Francesco Guardi au XVIIIe siècle, Sargent ne semble pas vouloir représenter l’édifice dans son ensemble, ni le replacer dans son environnement. Il reste simplement à quelques pas des marches menant au portail. Sargent s’était déjà occupé à la montrer dans son entier. Il peut donc maintenant s’intéresser à des détails plus particuliers.

De plus, vous l’avez tous remarqué, la place devant cet édifice est très restreinte, l’artiste ne peut prendre suffisamment de recul pour le représenter dans son entier. Comme a son habitude, Sargent à peint son sujet depuis une embarcation, ce qui donne cet effet « au raz des marches ». C’est ce que l’on voit, encore de nos jours quand on passe en barque ou en gondole, juste après le ponton du vaporetto. Cette idée d’un coup d’œil éphémère sur les beautés évanescentes de Venise est de plus renforcée par le traitement à l’aquarelle, qui en fait une image beaucoup plus spontanée.

Ce qu’il a devant les yeux, n’est alors plus une église, et encore moins Santa Maria della Salute à Venise, mais un modèle dont les formes caractéristiques lui permettent d’étudier les intensités de la luminosité, des parties gorgées de soleil, comme les marches et les colonnes encadrant le portail, jusqu’aux renfoncements obscurs de ce même portail et des portes latérales.

Au tournant du siècle, à la suite d’une évolution dans la manière de voir la nature et de concevoir l’œuvre, les habitudes visuelles de ces artistes ont complètement changé. Ils regardent maintenant leur sujet avec un œil neuf. Ils s’attachent à tout autre chose qu’à la tradition : à l’atmosphère qui enveloppe les objets et/ou aux structures abstraites de ces mêmes objets.

Et… à consulter sur internet : John Singer Sargent virtual gallery
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