Catherine Bagration au congrès de Vienne

En 1814, Catherine Bragation est au Congrès de Vienne, où l’on dit d’elle que « l’Andromède russe » est en compétition avec la duchesse Wilhelmine de Sagan, « la Cléopâtre de Kurland » les deux femmes ayant été les maîtresses de Klemens Wenzel Lothar von Metternich.

Les deux lionnes ont emménagé dans le luxueux Palais Palm, chacune prenant sa moitié. Charles-Joseph Lamoral,  le prince de Ligne alors au crépuscule de sa vie devient le « maître des plaisirs » du Congrès de Vienne. « C’est une chose étrange qu’on voit ici, pour la première fois, le plaisir conquiert la paix » dit-il à son ami Talleyrand. Auteur du célèbre « Le congrès danse beaucoup, mais il ne marche pas » (en allemand : Der Kongreß tanzt viel, aber er geht nicht weiter), il annonca sa propre mort (dans sa 79e année) par : « il manque encore une chose au Congrès : l’enterrement d’un feldmarschall – je vais m’en occuper. »

Les mots de Talleyrand « il faut faire marcher les femmes » et « les femmes, c’est la politique » n’ont jamais été si bien vérifiés qu’à Vienne.

Tous les acteurs du congrès, rois, empereurs, princes, hommes politiques étaient accompagnés de leurs femmes et/ou de leurs maîtresses qui en coulisse jouaient un rôle très important. Non seulement le congrès dansait, mais il intriguait dans les alcôves et les salons. Les rapports de police du baron Hager ne sont que des notes qui relatent intrigues, fêtes et coucheries, en particulier les allées et venues de ces messieurs chez ces dames à toute heure du jour et de la nuit.
Comme le raconte La comtesse Potocka: « Le congrès fut bientôt métamorphosé en cour d’amour, à cela près que chaque matin, les ministres échangeaient des notes diplomatiques dont les souverains prenaient connaissance fort à la hâte, pressés qu’il étaient de voler à leurs plaisirs…« 

Talleyrand écrit au roi Louis XVIII : « Après que j’eus quitté Metternich, il se rendit à la Redoute, car c’est au bal et dans les fêtes qu’il consume les trois quart de ses journées.« 

Catherine Bagration, veuve depuis 1812 du général russe Bagration tombé à Borodino est tout à son affaire dans ce luxurieux environnement. Elle changeait souvent d’amant, était appelée « le bel ange nu » à cause de ses décolletés impressionnants ou « l’Andromède russe » et se montre férue en politique autant que dans les affaires de diplomatie.

Elle avait eu une fille de Metternich, nommée Clémentine. Pour se venger de Metternich, elle raconte tout ce qu’elle sait ou a entendu et ce qui est contre l’Autriche. Elle ne se gêne pas pour raconter les pires horreurs sur Vienne et l’Autriche !

Au moment du congrès, de nombreux messieurs se pressent dans son salon, le parti russe surtout. Certains disent même que son salon est un bordel ! Elle agissait comme une féministe avant l’heure (en Russie elle est l’ancêtre des mouvements féministes), choisissant ses amants, enregistrant leurs confidences.
« Ces deux dames (la Sagan et Catherine Bagration) sont le scandale du congrès, car elles allient la débauche et la politique, ce sont des agents russes et prussiens qui ont trop d’influence sur le congrès elles sont dirigées par le baron Humboldt  » dit un confident (anonyme).

Le Tsar Alexandre, qui avait été son ami intime avant la guerre, et le restera ensuite, logeait plus souvent chez Catherine, dont il quittait la chambre au petit matin, « ayant longuement écouté le rapport complet de ses enregistrements. »

En fait, il est probable que la tsar Alexandre 1er ait utilisé Catherine, peut être même à son insu, pour lui soutirer les informations qu’elle avait glanées sur les divers oreillers où elle était passée.

Gentz, le secrétaire particulier de Metternich le raconte : « on ne peut lui parler, il est toujours entouré des « dames » de Courlande qu il met au courant des affaires politiques.« 

« A sept heures, je vais pour le diner chez Metternich. Comme d’habitude, (quand il se trouvait en compagnie de la duchesse de Sagan) il ne m’écoute pas. Toute la clique des putains de Courlande était là. (Die ganze Hurengesippschaft) Metternich a initié ces femmes à tous les secrets politiques, ce qu’elles savent est incroyable. Alors Talleyrand apparaît et me fascine. A la première ébauche contre la déclaration, il semble que le diable le possède, il ne me laisse pas placer un mot…. « 

Catherine Bagration

Nous pouvons parfaitement imaginer Catherine Bagration (née Skavronskaya, 7 décembre 1783, 11 juin 1857 à Venise) qui a servi de modèle pour décrire la comtesse Elene Bezukhova dans le roman « Guerre et Paix » de Léon Tolstoï :

« Elle ne regardait personne ; mais, souriant à tous, elle accordait pour ainsi dire à chacun le droit d’admirer la beauté de sa taille, ses épaules si rondes, que son corsage échancré à la mode du jour laissait à découvert, ainsi qu’une partie de la gorge et du dos. Hélène était si merveilleusement belle qu’elle ne pouvait avoir l’ombre de coquetterie. »

Ekaterina Savronskaia, une dame d’honneur de l’impératrice Maria épousa Pierre Bagration le 2 Septembre 1800 dans l’église du Palais de Gatchina. Mais ce mariage arrangé selon la volonté du tsar ne dure pas très longtemps. En 1805 la princesse a finalement rompu avec son mari et Catherine s’enfuie à Dresde, ou elle devient la maîtresse de l’ambassadeur d’Autriche et diplomate, le comte Klemens Wenzel Lothar von Metternich (1773-1859). De son côté, Pierre Bagradion entretiens une liaison avec la Grande Princesse Ekaterina Pavlovna (sœur préférée de l’empereur Alexandre I), ce qui fait un peu désordre à la cour. La princesse a donc été forcée d’épouser le prince Georges d’Oldenbourg en avril 1809, tandis que Bagration, à été promu au grade de général d’infanterie et renvoyé combattre Napoléon.

A Vienne, qu’elle a rejoint désormais, Catherine donne naissance à une fille (acceptée officiellement par von Metternich) Clémentine, mais reconnue par Bagration sous la pression d’Alexandre Ier. C’est à cette époque que l’on commence à parler de Catherine Bagration comme d’une espionne, que certains considèrent comme le modèle de Mata Hari. Ce qui est certain, c’est qu’elle a agi en tant que diplomate informel dans la politique autrichienne et influencé la décision de l’Autriche de se joindre à la coalition.

Le salon de la princesse qui aimait à avoir des discussions sur la politique a été fréquenté par des personnes illustres et des têtes couronnées, dont le poète Johann Wolfgang von Goethe et Charles-Joseph Lamoral, 7e prince de Ligne. Tout le monde connaissait les vues anti-napoléonienne de l’hôtesse.

Scandaleusement célèbre à travers l’Europe, Catherine est surnommée « Le bel ange nu » pour sa passion pour les robes transparentes et « Chatte Blanche » pour la sensualité illimitée. De sa mère, elle a hérité l’expression angélique de son visage, la peau d’albâtre blanc, les yeux bleus et une cascade de cheveux d’or.

Catherine voyageait beaucoup et son carrosse était sa deuxième maison. Elle s’était fait construire une voiture confortable, munie de bons ressorts et d’un système d’escabeau qui lui parmettait de monter et descendre de façon élégante. Elle surnommait cette voiture sa « дормез » (dormeuse) ce qui voulait dire qu’elle considérait sa voiture comme sa chambre à coucher. On la surnommait, à cause de cela, « la comtesse errante » et la voiture était équipée d’une sorte de lit, les bagages étant tous à l’extérieur.

Elle s’installe à Paris en 1815 où, dans sa maison au 45 de la rue du Faubourg Saint-Honoré, elle est sous la surveillance de la police secrète. Elle a dirigé avec succès un salon littéraire, où sont venus fréquemment les célébrités littéraires et politiques (Henri Stendhal, Benjamin Constant, le marquis Astolphe de Custine et même la Reine de Grèce). Honoré de Balzac sera un de ses fidèles, et il affirme dans une de ses lettres que Catherine à été une des deux femmes à inspirer son premier roman « La Peau de chagrin » où il la dépeint sous les traits de Feodora, quand à Victor Hugo, c’est dans « Les Misérables » qu’il fait mention du salon de la princesse.

Le 11 Janvier 1830, elle épouse le général et diplomate  britannique Sir John Hobart Caradoc, 2nd Baron Howden of Howden and Grimston (1799—1873).

Même lorsque, âgée, ses jambes ne pouvant plus la soutenir, elle se fait porter dans une chaise, elle reste d’une élégance très suggestive. Elle est morte à l’âge de 75 ans, lors d’un voyage en Italie et est enterrée à Venise, au cimetière San Michele.

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